Actualité du laboratoire

Soutenance de thèse de Grégory Mykolow

12 décembre 2023

Cnam de Paris / Bâtiment INETOP
41 rue Gay-Lussac 75005 Paris
Salle 98


Grégory MYKOLOW soutient sa thèse en Philosophie

Le suicide au travail : approche thérapeutico-institutionnelle et enjeux politiques. Le travail défiguré

sous la direction de M. Éric HAMRAOUI, Maître de conférences HDR en philosophie (CNAM)

Jury

  • M. Yves SCHWARTZ, Professeur émérite de philosophie à l’Université d’Aix-Marseille : Président
  • M. Gilles AMADO, Professeur émérite de psychosociologie à HEC : Examinateur
  • Mme Paule BOURRET, Docteure en sociologie du CNAM Paris : Examinatrice
  • Mme Haud GUÉGUEN-PORCHER, Maîtresse de conférences HDR en philosophie au CNAM Paris: Examinatrice
  • M. Gilles HERREROS, Professeur de sociologie à l’Université Lyon 2 : Rapporteur
  • Mme Ana MAGNOLIA MENDÈS, Professeure de psychologie du travail à l’Unb de Brasilia: Rapporteure
  • Mme Muriel PRÉVOT-CARPENTIER, Maîtresse de conférences en ergonomie à l’Université Paris 8 : Examinatrice
  • M. Alain GUYARD, Écrivain et philosophe : Invité

Résumé de thèse

Le suicide au travail : approche thérapeutico-institutionnelle et enjeux politiques. Le travail défiguré. – Le suicide se situe à l’articulation du fait social et de la quête d’existence de l’individu. Il est pensable en termes de conséquence de la dépolitisation de l’action et de la parole qui génère une perte du sens de la vie. Il s’agit ici, à travers le prisme du travail salarié contemporain dans le secteur de la santé d’interroger la manière dont les sociétés organisent la dépolitisation des rapports humains jusqu’à ignorer la vie. L’action humaine s’y trouve ainsi interrogée sous l’angle politique à partir de la pensée de Hannah Arendt qui pose la question du droit à être au monde. Elle y est également considérée du point de vue de la phénoménologie de Michel Henry qui décrit la manifestation de la vie en soi et de la praxis vivante que le système de production capitaliste n’a cessé de capter à son profit, privant l’individu de son expérience sensible du monde et compromettant l’orientation du savoir et de l’action par le savoir de la vie. Condamné à une vie qui n’en est plus une, l’individu est également mis en absence de la réalité de la vie parmi les autres. Or, cette mise en congé de la vie et du politique, au cœur de la praxis humaine, engendre à son tour un processus de dé-figuration du travail dans un monde marqué par la subordination de la pensée à l’action, par le divorce entre la raison et le réel, ainsi que par la prévalence d’un rapport au monde individualisé à l’écart d’une communauté de semblables. Dans ce monde où le savoir de la vie a cessé de guider le savoir de l’action, le suicide s’oppose à la dé-figuration du travail issue d’un processus d’objectivation transcendant (extérieur) déployé par les forces du pouvoir social privant l’individu de sa puissance d’agir et d’exister, et le confinant dans une conscience de soi éloignée de celle de la vie. Il surgit ainsi comme phénoménalité paradoxale de l'apparaître de la vie. Marqué par la triple détermination de l’imprévisibilité, de l’étrangeté et de la radicalité, le suicide est, d’un point de vue social et politique, convocation soudaine des membres d’un environnement de travail n’ayant pu – ou su – faire société préalablement à son événement. Il est, plus précisément, pensable en termes de riposte politique agissante dont les dimensions figuratives expriment l’indicible et l’impalpable de la vie. Cette compréhension du suicide en tant que « figuration de la vie », comme tentative de mise en visibilité publique d’une expérience privée, de caractère indicible, est elle-même cliniquement fondée sur la base d’entretiens de collègues et de proches des suicidés issus du milieu de la santé. La thèse propose ainsi un contre-feu clinicophilosophique à travers la référence à l’expérience de l’hôpital psychiatrique de Saint-Alban-surLimagnole en Lozère durant la Seconde Guerre mondiale destinée à faire tomber les murs de l’asile moderne où la vie organisée, maîtrisée et dirigée par les idées et la raison, avait cessé de pouvoir être la vie. Elle s’appuie sur l’apport de la psychothérapie institutionnelle pour analyser les effets pathoplastiques de l’organisation actuelle du travail qui, moins que jamais, ne tient pas compte de la pluralité de l’action et de la parole humaine, qui réduit le travail vivant à une donnée d’objectivation.

Mots clés : suicide, travail, action, implication, vie, temporalité, actualisation, vitalité, politique