Actualité du laboratoire

Soutenance de thèse de Isabelle Teboul

5 octobre 2023
15h

Isabelle TEBOUL soutient sa thèse en Sciences humaines et humanités nouvelles. Spécialité Psychologie du travail et de la formation

Les valences fonctionnelles et dysfonctionnelles de la violence en milieu hospitalier
Cas d’un bloc opératoire en Centre Hospitalier Universitaire 

sous la direction de Mme Katia KOSTULSKI, Professeure des Universités en psychologie, CNAM

Jury

  • M. Éric Hamraoui, Maître de conférence, HDR, Cnam – Président du jury
  • Mme Isabelle OLRY-LOUIS, Professeure des universités en psychologie, Paris Nanterre – Rapporteure
  • M. Philippe SARNIN, Professeur émérite des universités, Université Lyon 2 Lumière – Rapporteur
  • Mme Brigitte ALMUDEVER, Professeure des Universités en Psychologie sociale du travail et des organisations, Université Toulouse-Jean Jaurès – Examinatrice
  • Mme Emmanuelle ZOLESIO, Maitresse de conférences en Sociologie Université Clermont-Auvergne– Examinatrice
  • M. Clément Corriol, Directeur des Ressources Humaines, Groupe Hospitalier Nord, A.P.H.P.  – Invité

Résumé de thèse

Cette thèse porte sur les valences fonctionnelles et dysfonctionnelles de la violence au sein d’un bloc opératoire en Centre Hospitalier Universitaire de même que sur la fonction psychologique de cette violence, entendue dans son histoire et sa réalité actuelle. Ce travail a été élaboré dans le champ de la psychologie du travail et plus particulièrement dans le courant théorique et d’intervention de la clinique de l’activité (Clot 1995 ; 1999 ; 2008). Cette thèse a été réalisée à la suite d’une intervention-recherche de deux ans, conduite dans un bloc opératoire d’un hôpital parisien, à la suite d’une commande sur « les coopérations interprofessionnelles au sein du bloc opératoire », mises en difficulté.

Nous soutenons la thèse selon laquelle la violence verbale et comportementale, identifiée d’après Moïse, Meunier et Romain (2015), produite et utilisée par les chirurgiens dans le cadre de leur activité opératoire, aurait une fonction soutenante de leur activité et qu’elle leur permettrait d’assurer leurs fonctions sur les multiples champs qui sont les leurs (activité opératoire, activité d’enseignement aux internes, activités à l’extérieur de la salle) ainsi que de réguler les variations de leurs états émotionnels, durant le déroulé des interventions opératoires, générés par les multiples domaines que nous avons mentionnés et d’autres, relatifs au niveau organisationnel du travail. Par ailleurs, nous soutenons l’idée que l’usage de ces violences leur permet d’obtenir un niveau d’efficacité de travail élevé de la part des personnes de la salle assurant d’autres métiers (infirmière de bloc aux postes d’instrumentiste et de circulante, infirmier anesthésiste). Cependant, l’usage de ce mode opératoire dégrade les relations sociales de travail entre les métiers et contribue à abîmer les relations professionnelles entre les

chirurgiens et les autres métiers de même que la perception des coopérations professionnelles qui conduisent à créer et à maintenir un milieu de travail dégradé.

La thèse s’appuie sur l’analyse du travail réel (Clot, 1995; 1999) des infirmières de bloc opératoire (IBO ou IBODE) avec lesquelles un imposant dispositif d’analyse de l’activité aura été conduit sur le terrain dans une perspective dialogique transformatrice des situations de travail (Kostulski, 2018; 2011), mais aussi sur l’analyse d’un cas unique : celle de la réalisation dialogique des échanges lors d’une intervention en chirurgie viscérale, filmée puis analysée aux plans des échanges verbaux réalisés et de la violence de ceux-ci (Zolesio, 2009 ; 2013). Elle repose sur une conceptualisation de l’activité professionnelle, entre prescription, activité réelle et empêchements de toutes sortes, liés aux conditions de réalisation du travail dans ce bloc opératoire, dont nous pensons qu’il n’est pas une exception dans le travail hospitalier et chirurgical aujourd’hui.

La thèse conclue sur une possible valence fonctionnelle de la violence (une forme de violence utile ?) dans l’activité des chirurgiens, de même que sur les conséquences à vivre, au plan professionnel, cette violence par les autres personnels, en particulier les infirmiers et infirmières de bloc (IBO et IBODE). Cette situation vécue par les IBO et IBODE est largement bâtie sur les piliers historiques et culturels d’une « condition » telle que Le Guillant aura pu la développer au plan conceptuel (Le Guillant, 2010). Cette « condition » viendrait supplanter la perception objective d’un savoir-faire de métier et d’une considération professionnalisante du métier d’infirmière de bloc pour les enfermer dans un traitement qui tend à effacer les frontières de ce métier et de la façon dont il se réalise. Cette « condition » tend à légitimer, et à justifier, l’usage de la violence à l’égard de ce métier de même qu’à le faire errer dans les strates d’un usage questionnable en matière d’efficacité et de santé, épuisant les collectifs.

Mots clés

violence fonctionnelle • dialogue • bloc opératoire • IBODE • chirugien

milieu dégradé • bloc opératoire • condition professionnelle • clinique de l'activité

cliniques du travail

Résumé en anglais 

This thesis focuses on the functional and dysfunctional valences of violence within an operating theater in a University Hospital Center as well as on the psychological function of this violence, understood in its history and its current reality. This work was developed in the field of occupational psychology and more particularly in the theoretical current and intervention of the clinic of activity (Clot 1995; 1999; 2008). This thesis was carried out following a two-year research intervention, conducted in an operating theater of a Parisian hospital, following an order on "inter professional cooperation within the operating theater" that was experiencing difficulties.
We support the thesis that verbal and behavioral violence, identified according to Moïse, Meunier and Romain (2015), produced and used by surgeons in the context of their operative activity, would have a supporting function of their activity and that it would allow them to carry out their functions in the multiple fields that are theirs (operative activity, teaching activity to interns, activities outside the room) as well as to regulate the variations in their emotional states during the course of the interventions operating generated by the multiple areas that we have mentioned and others related to the organizational level of work. In addition, we support the idea that the use of this violence allows them to obtain a high level of work efficiency from the people in the room performing other jobs (operating room nurse at the positions of instrumentalist and circulating nurse anesthetist). However, the use of this modus operandi deteriorates the social working relations between professions and contributes to damaging professional relations between surgeons and other professions as well as the perception of professional cooperation which leads to the creation and maintenance of an environment of degraded work.

The thesis is based on the analysis of the real work (Clot, 1995; 1999) of nurses in the operating room (IBO or IBODE) with which an imposing activity analysis plan will have been carried out in the field with a view to transformation of work situations (Kostulski, 2018; 2011), but also on the analysis of a unique case: that of the dialogical realization of exchanges during an intervention in visceral surgery, filmed then analyzed in terms of verbal exchanges achieved and their violence (Zolesio, 2009; 2013). It is based on a conceptualization of professional activity, between prescription, real activity, and impediments of all kinds, linked to the

conditions of performance of work in this operating room, which we believe is not an exception in hospital work, and surgery today.

The thesis concludes on a possible functional valence of violence (a useful form of violence?) in the activity of surgeons, as well as on the professional consequences of experiencing this violence by other personnel, in particular nurses and block nurses (IBO and IBODE). This situation experienced by the IBOs and IBODEs is largely built on the historical and cultural pillars of a “condition” such as Le Guillant was able to develop it conceptually (Le Guillant, 2010). This "condition" would come to supplant the objective perception of professional know-how and a professionalizing consideration of the profession of block nurse to confine them to a treatment which tends to erase the boundaries of this profession and of the way in which it comes true. This "condition" tends to legitimize and justify the use of violence regarding this profession as well as to make it wander in the strata of questionable use in terms of efficiency and health, exhausting the groups.

Keywords 

functional violence • dialogue • operating room • IBODE • surgeon • degraded environment 

professional condition • activity clinic • labor clinics • work psychopathology